Témoignage Céline

En octobre 2023, était organisé le 2ème Chantier Coopératif des Travaux Suspendus (voir le récit du chantier) en partenariat avec Les Compagnons Bâtisseurs Rhône-Alpes. Pendant 2 semaines, près de 40 artisan.es de Cabestan se sont relayés pour aider Céline à améliorer l’état de sa vielle ferme dont la toiture était en partie bâchée depuis 5 ans…

Agricultrice, et mère, Céline vit avec 2 de ses enfants dans sa ferme et prévoit de faire venir ses parents pour s’en occuper . Le Chantier Coopératif a permis à Céline de réaliser des travaux indispensables mais non aidés par les dispositifs publics : réfection de la toiture, reprise de la charpente, ouverture dans un mur, extension en ossature bois.

Une situation précaire

« J'ai trouvé cette maison en 1999, avec l'idée de m'installer en tant qu'agricultrice. À l'époque, j'étais en couple, et ensemble, nous avons acquis la ferme et les terrains qui l'entouraient. Mais dès le début, tout ne s'est pas passé comme prévu. Entre les anciens propriétaires qui squattaient les lieux et l'état de délabrement avancé de la maison, il a fallu du temps et beaucoup d'efforts pour en prendre pleinement possession.

Douze ans plus tard, mon compagnon et moi nous sommes séparés. Nous avions eu trois enfants entre-temps, et notre situation financière était compliquée. Nous avions fait un montage financier où lui possédait la maison et moi les terres et les bâtiments agricoles. Cette séparation a rendu la situation encore plus compliquée. Je suis restée locataire de cette maison, mais les travaux nécessaires pour l'entretenir devenaient de plus en plus urgents. Finalement, la maison a été classée insalubre en 2019, et j'ai pu en devenir propriétaire en 2020.”

Un 1er projet trop difficile à mettre en œuvre

“C'est à ce moment que j'ai décidé de me lancer dans un projet de rénovation en sollicitant l'aide de Soliha. L'idée était de transformer cette maison en ruine en un lieu de vie digne, en respectant à la fois mon budget et les contraintes liées à la conservation de son caractère ancien. Soliha m'a beaucoup soutenue dans cette démarche, en m'aidant à monter les dossiers de subventions et à coordonner les différents acteurs du projet. Dans cette phase-là, j’ai été en lien avec les Compagnons Bâtisseurs qui étaient partants pour m’accompagner sur certains postes de travaux en auto-réhabilitation accompagnée dans le cadre de cette rénovation globale.

Enfin, un architecte a été sollicité. Il a élaboré des plans ambitieux qui intégraient non seulement les travaux de réhabilitation indispensables, mais aussi des améliorations esthétiques et fonctionnelles. Cependant, au fil des discussions et des réunions, le projet a commencé à prendre une ampleur qui m'échappait. Les coûts estimés ne cessaient d'augmenter, et les démarches administratives devenaient de plus en plus complexes. Ce qui devait être un projet de rénovation simple et accessible s'est transformé en une entreprise colossale, bien au-delà de mes moyens financiers et de ma capacité à gérer le stress qu'elle engendrait.

Après plusieurs mois de réflexions et de tergiversations, j'ai finalement pris la décision d'abandonner ce projet. Ce fut un coup dur, car j'avais placé beaucoup d'espoirs dans cette collaboration avec Soliha et l'architecte. J'étais déçue et découragée, avec l'impression d'avoir perdu du temps et de l'énergie pour rien. Mais en même temps, cette expérience m'a permis de mieux comprendre mes limites et de réaliser que je devais chercher une autre solution, plus en adéquation avec mes capacités et mes besoins réels.”

Vivre le Chantier Coopératif

“C'est alors que les Compagnons Bâtisseurs m’ont parlé des Travaux Suspendus et du principe des chantiers coopératifs : une idée qui m'a tout de suite séduite. Le chantier qui a suivi a été un moment charnière dans mon parcours. Pendant quinze jours, la maison a été le théâtre d'une effervescence de savoir-faire et d'énergie collective. Ce n'était pas seulement un chantier pour moi, c'était une véritable expérience humaine.

Au début, je me demandais si j'allais réussir à trouver ma place parmi tous ces professionnels. Je craignais de me sentir en retrait, d'autant plus que tout le monde semblait déjà se connaître. Mais très vite, j'ai réalisé que mes craintes étaient infondées. Dès les premiers jours, l'ambiance était chaleureuse et inclusive. Les professionnels présents ne se contentaient pas de faire leur travail ; ils prenaient le temps de m'expliquer leurs gestes, de me faire participer, de me transmettre un peu de leur savoir-faire. C'était une véritable découverte pour moi. Chacun avait ses techniques, ses idées, et au lieu de les imposer, ils les confrontaient, les discutaient. Cette intelligence collective a donné au chantier une dynamique incroyable.

Malgré le rythme effréné, je me sentais à l'aise. Gérer les repas, aller chercher les matériaux de dernière minute, s'assurer que tout le monde avait ce dont il avait besoin – c'était une logistique complexe, mais ça ne me pesait pas. Je savais que je n'étais pas seule, que je pouvais compter sur les autres, et ça, ça change tout.

Certes, il y a eu des moments où je me suis sentie débordée. Entre mon nouveau travail et le chantier, j'ai parfois eu l'impression de courir après le temps. Mais en même temps, voir la maison se transformer sous mes yeux, sentir que tout avançait enfin après tant d'années d'attente et de frustrations, c'était un sentiment indescriptible.

Ces quinze jours de chantier ont été intenses, épuisants, mais aussi profondément enrichissants. J'ai appris énormément, non seulement sur la rénovation, mais aussi sur moi-même. J'ai découvert une communauté solidaire, des personnes prêtes à partager leur savoir, à m'aider à réaliser mon projet. Ce n'était pas seulement des travaux, c'était une aventure humaine, un moment de vie où tout s'est accéléré, où chaque jour comptait, où chaque geste avait du sens.”

Après le chantier, j'étais épuisée. Les deux semaines qui ont suivi, j'ai surtout dormi, récupéré. Mais cette fatigue, je l'accueillais presque avec gratitude. C'était la preuve de tout ce que nous avions accompli ensemble. Une fois le calme revenu, il m'a fallu un moment pour retrouver mon rythme. Mais petit à petit, j'ai repris les choses en main, et aujourd'hui, je continue à avancer, pas à pas, dans cette maison qui est enfin devenue vraiment la mienne.

En repensant à tout ça, je me dis que ce chantier a été bien plus qu'une étape dans la rénovation de ma maison. C'était un moment de transformation, pour la maison, mais aussi pour moi. Je ne regrette rien, et si c'était à refaire, je le referais sans hésiter.

Continuer à avancer, pas à pas